exercices d’immobilité / 1

Les exercices d’immobilité sont une succession d’arrêts sur image où les yeux au ciel battent une durée précieuse qui s’allonge sans fin, et qu’il est urgent de faire comme si on s’y arrête. Les micro-arrêts servent de point zéro, de retour à la vie minuscule ni vue ni connue où parfois une tête énorme observe.
Le corps fondu dans une suite de mouvements plus amples, une fois à l’arrêt, éprouve pour la première fois le repos. Le corps n’est pas enseveli dans le sommeil, il se disperse, se décompose. Les poissons devant lui forment son banc de médiums.
Se lever de ce banc est aussi le but car il faut, pour continuer, pour que le but puisse être atteint, qu’avancent les forces contraires, puisqu’aucune force n’est stable, le but ainsi brouillé par plus brouillé que soi peut être atteint. Sortir et entrer dans la lenteur du monde du dehors, passer plus léger, le voir passer plus vite, rentrer joyeux. Garder un peu d’air avant l’expiration et un peu d’air avant l’inspiration. Enchaîner sa carcasse par une succession de mouvements, sortir de sa carcasse et la voir grandir, larguée. Trébucher sur des rythmes qui développent des suites d’un seul et même mouvement. La vitesse de l’exercice n’est jamais donnée, ni lente ni rapide, il n’y a pas de progression, les mutations président, selon ce que décident les parties extensives du corps.

L’avenir est une arnaque

Avant que ça ne vaille plus rien nous avons tout vendu. Mécanos de la machine. Le satellite s’est éloigné de la terre, la terre s’est éloignée, notre sentiment d’appartenance s’est délestée d’un savoir et des gestes propres à notre espèce. De la place pour mieux ranger. Comme la mort s’approche lentement nous entrons dans le présent infini. Des fantômes se croisent, ne se voient pas entre eux. Le temps n’appartient plus, à personne d’ici ou de nulle part, statique, en fuite.

masse atomique

Le sol jonché de vieux chemins partiellement effacés, fausses pistes, chemins malencontreux se recouvrant les uns les autres de telle sorte qu’on appelle ce sol une escalade, montagne de laquelle du regard on domine l’horizon où on se jetterait de tout son long rien que pour le franchir.

Nous ne cherchons rien, nous discutons derrière les murs du silence de l’esprit, nous avons de la place, nous répliquons à l’échos, seul nous discutons, nous ne cherchons rien.

Tout est la même chose, l’Un, le début, ce dont on s’éloigne divisé. Le reste, un fond sans limite sur lequel les mouvements sont ceux d’un dormeur que le milieu métamorphose.

L’horizon départage ciel et terre, sans être ni l’un ni l’autre, n’existe que dans le regard. Vide, essaim de centres éclairs entre chutes verticales.

Takashi Yasunura. Nishihotakaguchi, série « Traçage de la nature » 2001

les pieds du vent

Formes éparses suspendues dans l’air, qui s’allongent, s’éclipsent et réapparaissent, se délestent, s’appesantissent, s’associent, se divisent, les jours avancent, reculent. Refuge du miroir, l’illusion d’une distance, l’insondable pour distance.
Ciel bleu, lumière, nuages ourlés en nuances de blancs, ensemble d’une vingtaine de nuages que l’oeil, à cette distance du bleu, englobe clairement, revenir aux dimensions palpables parmi les grenouilles de l’étang.

fin de règne

La lumière est sombre depuis des jours, les t° battent leurs records, l’ombre erre sur la table d’orientation, les pensées noires perdent leur fil, leur liturgie hiberne, le labyrinthe est éventré. Il s’ensuit que plus rien n’est vraiment drôle, sauf les rares éclats de rires, plus inattendus. La réactivité des capteurs des réverbères est ralentie, l’éclipse perd quelques secondes de lumière.

la nuit des capteurs

sans suite 52

 

Monter un pont, pierre par pierre toutes hissées du lit de la rivière. En dessous le soleil tape, la maladresse se dissout dans l’air amolli, le temps de s’attarder prospère, à midi le langage s’en va, à son chevet les paroles sont contredites.

Pendant la taille des pierres, se répéter ce qu’on dit pour conjurer le sort.

Ce caillou est descendu intacte des sommets. La caresse de la rivière en fait son sable. Les nuages traversent la montagne.

Le seuil est une ride d’éternel. Derrière la porte les ruines, autour d’elles le béton. Sur le seuil le sable, la terre, les feuilles, la pluie, la neige, la pierre.

Tendus vers une fin manquée toujours. Travail laborieux du scribe. Apprendre à couler, imaginer la mer. Seul le vent sur le visage.

Derrière elle la mer. Devant ses yeux la mer encore. Demi-lune dans les embruns.

D’épuisement ou par l’inanité de tout, arrive un peu de la douceur et de la fluidité du jour.

Pourtant même en plein brouillard le temps file si vite.

À tes oreilles souffle C’est le corps, c’est le corps … C’est l’amour, l’entravée, la parole