décrocher la lune.

préparatif à la fête« Ils ne leur manque que la parole » — auraient-ils parlé, été sacrés foules égarées, promus gardiens et maîtres du passage, que nous en aurions faits, fébrilement, orgie de bouche… dans la panique et la convoitise, nos propres mots se seraient troués. Du manque, de la perte, et par l’opportunité offerte, de fiers rituels propitiatoires seraient nés, des nuits d’épuisement à danser, grogner, crier, dans les fumées grasses et sanguines, dans les déserts furieusement vides. À en perdre la parole, nous entretuer jusqu’au dernier. En masse justicière, ça vient. Le carnaval s’est mal passé.

boue d’éclat lunaire

Alors que Tchouang-Tseu pêchait à la ligne dans la rivière P’ou, le roi de Tch’ou envoya deux de ses grands officiers pour lui faire des avances.

« Notre prince, lui dirent-ils, désirerait vous confier la charge de son territoire. » Sans relever sa ligne, sans même tourner la tête, Tchouang-Tseu leur dit :

« J’ai entendu dire qu’il y a à Tch’ou une tortue sacrée morte depuis trois mille ans. Votre roi conserve sa carapace dans un panier enveloppé d’un linge, dans le haut du temple de ses ancêtres. Dites-moi si cette tortue aurait préféré vivre en traînant sa queue dans la boue ?

—            Elle aurait préféré vivre en traînant sa queue dans la boue, dirent les deux officiers.

—            Allez-vous-en ! dit Tchouang-Tseu, je préfère moi aussi traîner ma queue dans la boue.

Chapitre XVII du Tchouang-tseu (traduction Liou Kia-hway)

chassé-croisé

victoire sur les arborigènes
victoire sur les arborigènes

chassé croiséDans l’euphorie des poches pleines extensibles au tout venant, le juridisme assurantiel prospérait comme lapereaux sous son chapeau,  fabriquant vendant fils et tissus à la pelle. La sentinelle garde-fou errait de nuit sur un barrage gelé fendu comme tigre de papier. Trou béant de la complexité le chaos brille de tous ses feux, les beaux jours s’embouteillent sur le rivage où lapent les assoiffés la dernière vague qui les emporte.

camarade du no man’s land

l’âne puise l’eau noire, ruisselle, s’étoile contre la roche. cheval sans illusion d’une lucidité douce et farouche, au calme souverain, sans sujet, dieu sans hommes – au calque de ses paupières tombe une vieille neige, temps anciens venteux qui n’en finissent pas – des retraites dans la grotte à ciel ouvert, aux chemins creux de granges vides aux portes manquantes, aux sceaux percés, au soleil de midi des quais désaffectés, au passage des corbeaux, aux traverses de poussière grise des brindilles du clinamen – se hisse au ciel, au paradis des ânes, d’une grammaire de guingois sur un banc de nuages éphémères, majordome d’aube trouée des geishas évanouies, au trot des pieux de ballerines, l’âne chie nos carrosses, désole nos mains, broute les dévots, console des âmes en peine, referme les yeux éteints, mêle son haleine à la nôtre, hurle ce qu’un muet rêverait d’entendre sans comment dire, clairon bip-bop des lunaires arlequins à recracher le silence, évadé des désillusions, passeur des regrets inutiles, veilleur d’un œil au creux des crépuscules, des ombres sans bras de la nuit, des décisions diurnes, précipitées, soudaines, irrévocables, brèves des somnambules, des vertiges de Bartleby étendu au dos de Pancho Villa, d’ivresse rude des fruits pourris fermentés sous l’arbre des sarcasmes et des risées, du sérieux le plus grand.

Au hasard Balthazar

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//  Journal d’un curé de campagne (1951)

//  Un condamné à mort s’est échappé (1956)

//  Pickpocket (1959)

//  Mouchette (1967)   

//  Quatre nuits d’un rêveur (1971) 

Cygnus olor

conductivité du noir, lune blanche lune noire, cercle déplié du miroir
conductivité du noir, lune blanche lune noire, cercle déplié du miroir

 ~vhorr’ ~ vhorr’ ~ vhorr’ ~ le battement des ailes soulève et rabat l’air sur une parfaite ligne droite qui va peu à peu s’inclinant jusqu’au sol. Le cygne se relève, à pleins poumons son cou propulse, expectore une fois encore ce Vhorr’ ~ soufflé hors des narines, qui réveille l’intrus endormi dans le lierre.

Sur le pont au dessus d’un coté l’autre, au froid, au chaud, les jours dispersent les sujets tempérés qui s’y démènent, égayent leur fatigue, donnent de l’aise à demain, distribuent des ordres et des prix, diplômes et monnaies, sèment au petit vent la tempête à venir. De temps à autre entre deux averses un snipper masqué rejoue à qui perd gagne.