“ il n’est aucun document de culture qui ne soit aussi document de barbarie. Et la même barbarie qui les affecte affecte tout aussi bien le processus de leur transmission de main en main ” Walter Benjamin, Eduard Fuchs, le collectionneur et l’historien, Œuvres III, Folio Essais, 2000, p. 186.
—————————————————–« (…) ? » Arthur Koestler, Le Zéro et l’Infini
Abjection – Abattement, nausée, tristesse, inquiétude, incertitude, impatience. Des mots… l’existence vidée d’être, crevée. Envie de se la boucler sans pouvoir s’empêcher de l’ouvrir, des phrases d’un coup forcément bancales, sans point d’appui, en boucles inachevées et pleines de nœuds, stupeur, la pensée qui vrille, qui plisse les yeux, anomie, discerner, perdue dans des fragments d’arrière-plan (l’Ukraine, la terreur, les clandestins sur les mers et les camps, la guerre numérique, les pays arabes, la Grèce, l’Allemagne, l’Espagne, l’Europe, les élections, les robots) … tout passe, et sommes en plein dedans, bien inutiles // « Tous Charlie », très louable échos à, et on a vu comment, « nous sommes tous américains » … glossolalie, logo, slogan, garde-fou (à d’autres slogans qui marinent dans les antichambres) espoir de donner corps à son indignation, se rassembler, main dans la main, Charlie Rajoy, Charlie Samaras, Charlie Cameron, Charlie Merkel, Charlie Juncker etc… bête et méchant bain de foule, se refaire virginité, maintenir les apparences de la paix, jouer de la consternation pour rebooter le spectacle, le mensonge et l’hypocrisie à bas prix. Un garde-fou cache sexe de l’aliénation, ses acteurs vedettes, ses postures et ses imposteurs, remettre au propre le grand story-board religieux du capitalisme avec au centre, sur le lieu du crime l’incontournable FN, grande ombre sous les projecteurs. Envers et contre tout, jusqu’où la servitude? L’humiliation, l’accommodation au pire, chantage à une soumission contre une autre, choisir son dégoût, sa haine, sa peur, son camp, la vérité d’une Kalash’ ou celle des marchés ? le chantage permanent. Tout droit bloqué avançant dans le mur, poussé. Il se fait tard, à tout moment l’emballement peut devenir fatal, tout va si vitecomme disait le regretté Bernard Maris. Quelle merde !
Des jouets dans la gueule de l’histoire. Ferdinand Porsche (costard), A. Hitler, Robert Ley (chef du « Front du travail allemand ») etc. admirent le cadeau d’anniversaire d’Hitler pour son 50ème: une Volkswagen décapotable.
Aux yeux offerts la cérémonie introduit dans l’image les acteurs de chaire et d’os époux modèles que la cérémonie célèbre. La main sur l’icône court sur notre cou. La grotte est mise à ciel ouvert. Les haines sont terrassées. Les meurtriers purifiés parlent dans la gueule des chiens. Ils sont heureux. Rédemption, clémence promises à tous. La décapotable est une mangeoire sous l’arbre de Noël.
L’adaptation des hommes aux rapports et aux processus sociaux, laquelle constitue l’histoire et sans laquelle il leur aurait été difficile de continuer à exister, s’est sédimentée en eux de telle sorte et à un point tel que la possibilité d’y échapper sans d’insupportables conflits pulsionnels, ne serait-ce qu’à l’intérieur de la conscience, se rétrécit comme une peau de chagrin. Triomphe de l’intégration, ils s’identifient jusque dans leurs comportements les plus intimes à ce qui leur arrive. En un pied de nez railleur à l’espoir de la philosophie, sujet et objet se trouvent réconciliés. Ce processus se nourrit du fait que les hommes doivent aussi leur vie à ce qui leur est infligé.
Theodor W. Adorno. Société: Intégration, Désintégration, Paris, Payot, 2011, p. 33
L’homme est comme Macbeth après le crime : reculer serait pour lui beaucoup plus difficile et plus fastidieux que de persévérer, que de s’enfoncer davantage dans l’irréparable. Cioran, Cahiers 1957-1972, p. 224.
« Nous vivons à présent dans une nation où les médecins détruisent la santé, où les avocats détruisent la justice, où les universités détruisent le savoir, où les gouvernements détruisent la liberté, où la presse détruit l’information, où la religion détruit la morale, et où nos banques détruisent l’économie ». Chris Hedges
Comme sous une mer gazeuse vertigineuse la pluie précédait l’orage, le ciel épais bleu-gris très sombre, inamovible, tremblait à peine pendant que la tempête dévastait la forêt. La nuit (ou bien le jour) qu’au début nous nous attendions à voir tomber, tombait désormais continument, la vue fendue d’ombres. Nous habitions à la ceinture de contrées urbaines aux maisons à prix flambant neuf. Des milices protégeaient la vue imprenable des terrains vagues sur pleine lune opalescente. Étendus au sol quand le bruit s’éloignait nous retenions l’amour en consolantes nostalgies. C’était une fin du monde moderne et spacieuse que dieu gouvernait d’une armée de robots auto-engendrés. Bien nés mais trop tôt nous enviions déjà le bonheur des générations nouvelles, planquées les unes des autres, dispersées à vaquer parmi les ruines, anthropologues réanimant le monde évanoui.