nouvel an

democracie Tu vois, tu entres dans les ruines de la démocratie, un film de guerre sentimental, sapins et papillons à noël s’élèvent dans les cales, serpents électrisés de tristesse, chaos raide, silence sous cloche, paroles qui se rappellent parler, le passé pantelant passe-muraille, l’histoire n’apporte que réponses folles à ses sujets. Sortant tu suis les instructions et bâtis les remparts d’une forteresse vide au cœur de laquelle vocifèrent déjà les héritiers. Tu erres quelque part avec tes semblables, pas seulement sous l’invisible surveillance de masse, car surtout tu dois vouloir obéir. Tu enroules les tapis rouges aux broderies charmantes d’un autre grand jour. Attends que rien ne se passe, reste ainsi, au repos la terre immémoriale, crevée, recroquevillée en son centre, la mémoire veut oublier, la conscience s’animaliser, dénouer doucement, distinguer, séparer la logique et le sens, fendre l’air.

retour sur l’avenir

Le pont n’existe plus, l’autre coté du paysage où tu voulais te rendre a changé. Tu n’es pas du tout à l’endroit où tu croyais être, tu as fait fausse route. À la place une impasse, la montagne ou la mer. Tu es sur le point de disparaître dans le décor, tu es une farce, tu es trop tard, tu fais retraite pour te soigner.

À l’écran il dessine un à un les éléments de l’avenir, avec maîtrise les convoque, les juxtapose, le rythme d’exposition et d’agrégation est bluffant. La carte se dessine, les points tracés à mesure se répondent, points et liens se confondent, la terre est ronde, l’intelligence un bolide, le scénario en suspens, le spectacle éveille. On est l’événement, il annonce, tu entres dans la durée, il s’agit d’être au premier rang, la chronologie commence là. Tu disputes, tu paries, tu es le cheval, le bourrin, jusqu’à la dernière image ni toi ni personne ne le sait.

Varujan Boghosian, %22James Joyce à Dublin%22 (2003)

migration : polar

Quand il neige ou à cause du trafic, ou d’inattention, de fatigue, de tête ailleurs, en voiture écrire devient périlleux.

Aussi, comme mon habituel « abris d’écriture » m’a chassé (l’isolation bouffée par les souris, le toit trop peu pentu, les tuiles bouffées par la mousse attaquées par les averses obliques), j’ai déplié l’ordi dans la cuisine familiale, parmi l’activité de tous. En conséquence je me suis donc mis « à écrire » en mouvement (sans devoir m’arrêter sur le carnet) à parler au micro de mon « enregistreur vocal », produire des fichiers de paroles en l’air que plus tard je mets noir sur blanc prenant soin de ne pas en rajouter.

Contre la page-écran résonne une salle d’attente quand le dernier train est passé il y a des jours personne ne sait plus, quand une idée se forme se perd butée par les mots, des signes qui s’étaient disposés dans les limbes, fixés tordus, des lancés de pierres blanches dans le trou, une fatigue sans objet, un train fantôme s’arrête dans une autre gare, etc… (soutenir en dormant le wagon immobile qui chavire). Alors le micro, façon d’aller marcher, avancer le projet « conjugal » d’un polar, retrouver la souplesse de la narration longue, ma flemme savoure, un œil aux marges, aux sillons pour mes friches.

la machine à écrire ne trouvait plus mes doigts
la machine à écrire ne trouvait plus mes doigts

s’entendre

On s’apprivoise à toute étrangeté par l’usage et le temps ; mais plus je me hante et me connais, plus ma difformité m’étonne, moins je m’entends en moi.  Montaigne, Essais, III, 11, p. 1029

Rabbit In Your Headlights

s’allier

Le journal (intime) engendre du continu et de l’infini. Par la porte dérobée repose un éclat de verre dépoli, la lumière est sans angle, le corps tournoyant. Le journal donne sa lecture au jour. Les lignes du journal s’écrivent sans lecteur, ne sont pas faites pour être lues, le blanc les devance. Le blanc est le premier lecteur. Le lecteur d’un journal suit pas à pas une ombre qui superposée à sa propre ombre la délimite, rendue vivante à la pleine nuit.