point zéro

le vent tournoie dans ce recoin expulsant par saccades des odeurs de lilas, de fleurs de fruitiers, de fuel, de fumier. une assemblée de têtes percent un sarcophage géant où pullulent des chimères endormies couvertes de parures corporelles. les vagues comme les nuages de loin glissent sur les yeux. l’éternel retour fixe le point zéro. ici les chimères sont aux anges. on s’évade du labyrinthe.
dans ce coin retiré à la montagne où les horloges n’existent pas, dans la pierre la plus haute de la voûte du portail du monastère est gravé un soleil. d’un pas tranquille la ronde aux alentours faite de prières et de guets dure une heure.
les moines-horloges se relaient là depuis les premiers hommes, depuis cette grotte étendue par l’aile du monastère ou vingt-quatre disciples cohabitent.
chaque jour recommence à minuit pour le fidèle qui entame sa ronde qu’il a entrepris la veille à onze heures. le lendemain il commencera à une heure, il saute d’heure en heure comme les vingt-trois autres fidèles qui suivent à tour de rôle. l’avant l’après et le maintenant sont une triade, les quarts d’heure scandent le rythme. le livre des prières est constitué de vingt quatre chapitres. chaque prière dure une heure, chaque jour, vingt-quatre prières. les 8 760 prières annuelles sont réparties sur 24 chapitres dont chacun contient exactement 365 prières. la ronde annuelle arpente approximativement 40 000 km, c’est à dire un tour de la terre.

Roland Topor- Le Grand Livre

l’éventail de deux

Celles qu’il croyait avoir choisies avaient été ses âmes sœurs, les cœurs doubles se séparent.

Il reste étrange que deux âmes sœurs se trouvent vivre chacune dans deux époques et sous deux latitudes au même moment, privées à jamais de se rencontrer.

@Barbara Konopka, 1991

ni ce qui est neuf ou passé

Edge of San Timoteo Canyon, Redlands, Californie 1978 Photo de Robert Adams.jpeg

Lorsque ma vie passait quelques tunnels obscurs je revenais souvent épier en pensée ce lieu continuellement retiré et silencieux où je n’avais jamais été. Plusieurs nuits s’étant rendues, la distance fut franchie, je relevais la tête; le lieu m’était méconnaissable, quoique certains éléments anodins d’arrière-plan, comme flous dans la mémoire, le désignaient lui assurément, mais par intermittence. Un brouhaha lointain régnait et j’entrepris mes jours à explorer les alentours pour remonter sa source. Passant du silence au brouhaha au silence je dormais beaucoup je ne sais où et m’égarais. Je laissais mes pensées se délier sans m’y interposer, interrompues par une alarme, persévérant sur d’infranchissables et ridicules obstacles. Je continuais très secoué en tous sens, ressaisi au sol, tiré lentement en arrière. Un peu plus loin tout le jour la lumière restait uniforme, un pays où on ne sait jamais l’heure quand on se réveille ni ce qui est neuf ou passé ni quand s’arrête l’interminable voyage.

 

vocis imago

auteur inconnu

Toujours, même la dernière personne au monde, quelqu’un se souvient, il y a des souvenirs, des images perdues dans des vues sans point fixe, des yeux sur les archives égarées de la dune. Quelqu’un se souvient et personne ne se souvient qui, lequel pensent-ils, n’existe pas. Personne ne veut, pourtant on se presse au portillon final, impatient, tendant l’oreille.

Par imagerie, fenêtre sur la façon dont le cerveau in fine « fabrique » les souvenirs.

nœud

Sur une vieille toile d’araignée les lettres tombent en poussière. Le vent y souffle vainement, la lumière du soleil y est terne. Dessous il y a l’autel du calme.

D’un manteau il enveloppe le silence, le prend et marche pour ralentir pensées. Les pensées ralentissent sa marche. Un défilement, des franges, un déferlement dans les deux sens s’équilibrant. Dormir. Le cercle se ferme en nœud après moults tours inutiles.

Daido Moriyama - Memory of a Dog 6

tintinnabuli

habillée d’ombres, éclose en fin de nuit, tombée le matin, close, absente au midi