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où en lisière de ville surgissent six bouquetins la marche du soir est somnambule. très loin des yeux, par où le pont trois voies gronde, aux fenêtres éclairées des immeubles, aux rideaux, lumière de stores, aux zones noires, derrière la nuit, stores entrouverts, ici lumière d’hiver terreuse et dorée bordée de reflets brumeux, d’un soleil couchant, lumière d’écorce brune, grise, petit vent, chemin boueux, flaques qu’on évite, lourde couverture herbeuse la pente en courts mamelons descend, comme des flots tombés, et le sifflement explosif du pinson me réveille

petites_choses_reflections

évaporation

Ars Moriendi (L’Art de mourir) 1453
Ars Moriendi (L’Art de mourir) 1453

Sur l’étale la pluie parle au poisson qui suffoque, la radio du pêcheur grêle, l’enseigne sur le parking de la grande surface clignote, le goudron transpire. L’œil sombre se couvre d’un voile laiteux. Le rêve de cette nuit qui le jour durant m’accrocha des ailes, demain m’engloutit.

… bzzzzz…

zzzzzzzzzzzz

ml

C’est un grand progrès que de n’avoir pas mis aux hélicoptères des oreilles. La grosse mouche noire enfin se tait dès la lumière éteinte.

largué

Ce n’est plus l’homme qui largue ses amarres, c’est le monde lui-même, la barque laissée derrière soi, la mer presque retirée, aspirant les désirs océaniques d’une autre vie où tu aurais pu rêver avoir marché sur l’eau ; tu réalises que l’inutilité fut luxe et don primordiale, soutien à la légèreté de l’air. Désormais tu traverses la mer, tu as pied, des îlots de sable affleurent comme des galettes sèches tombées d’un soleil ancien, tu les prends pour bivouacs et pour couche, le ciel est aride, tes rêves ne s’inclinent plus que sur le passé. Les animaux que tu avais croisé sont méconnaissables, leurs formes se mêlent aux ombres sans limite distincte. Leur mépris t’interdit de les approcher.

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Et puis il y a les mouches. La première ce matin aux ailes faiblardes par cercles relâchés me tourne autour, entêtée, aimantée. Je me bats à la chasser d’un revers de main qu’elle ignore, mes nerfs s’excitent, je l’attrape et la lance depuis la fenêtre dans la pluie chaude rejoindre la dernière mouche vue cet hiver, fatiguée, lourdement tombée dans l’atmosphère gelée.

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bêtes de somme

Au souffle sourd des avenues grises de nuit subsiste d’anciens carnages. Une euphorie passée larguée d’images d’enfant à « se prendre pour » un chat, un chien, une gazelle, un cygne, un dragon etc. – nous livre plus sûrement que nostalgie au lynchage dans la fosse scato-zoomorphe.

Après la poussière d’un sillage ancien par langues de goudron s’augmentent les étalages où bêtes s’entassent, dépecées pesées déversées, raides et tendres assurées d’arriver à bon port, aux bornes des supermarchés, transparentes sous les cellophanes qui les rendent invisibles, les lampes sont aussi rouges que les affaires à faire.

Pourtant les animaux parlent une langue précoce faite d’espaces ouverts, habitée par la vitalité des corps. Se glissant à la frontière des signes et du langage leur territoire traverse le maillage, s’absente sans bord, s’étend. Et nous rendus muets et jaloux, nous, la tête au ciel cabrée, attentive à son peuplement, aux présages qu’il délivre, que notre langue convoite en alphabet d’ornement ciselant notre trône. Les présages animaux facilitent le voyage, fraient le chemin; porteurs d’une intelligence fatale ou meurtres et amours permutent, ils engendrent les espèces, voués aux forces du dehors lesquelles nous abandonnent, à mesure que notre chasse s’arrête d’un coté et de l’autre d’une ligne de peloton d’exécution. Nos trônes vermoulus crépitent, peinent à allumer le feu.

Tom Chambers -

mansuétude solitaire

Giacomo Brunelli Un chat emprunte sa personnalité à l’ambiance, aux individus du foyer, lesquels ne cessent de le scruter, de l’inviter en catimini à répondre à leurs propres questions, vaguement secrètes, ou honteuses. C’est un aimant à charmes insulaires d’autant qu’il se refuse en silence éloquent. Nous n’y sommes pas encore. Ses yeux étranges s’éclairent de paillettes d’or indéfiniment et se referment dans le sillon nuageux béant de photons des grands fonds. Il dort et rêve ses masques d’emprunt, il déambule indifférent parmi des escortes clandestines, varie les séquences de ses habitus, inventant celles d’entre saisons où s’abattent, surprenant, un état d’éveil, une foudre silencieuse, des horizons souverains: une cause extérieure l’absente, et le renvoie à son profond sommeil.