la lecture des journaux dans la cour donnait parfois le sentiment d’être dans la rue, nous tournions dans la cour, nous tournions les pages des journaux, nous rentrions déçus d’avoir été si immobiles, tant détenus. en trompe-l’œil le dehors était troué dans le béton mais à cela, s’enfuir, obsessionnellement, faisait l’unique réponse à tout, deux fois avertis que nous ne pouvions pas tomber plus bas. tournant en rond, notre forme sous l’œil des caméras se découpait en lignes superposées grisâtres et blanches, un fantôme cuisait notre futur, plutôt que de me laisser manger on me lisait les saveurs de l’assiette écrites dictées d’un plateau invisible. à force de lire le journal on aurait misé que sa pauvreté, son étroitesse venaient d’un parti-pris pour la catastrophe : pour s’en défendre on était « pour » allouer sans compter des crédits à l’ouverture de prisons aux ouvriers : des « espaces transitionnels » disaient-ils, sorte de cloisonnements, d’espaces semi-ouverts et sécurisés, gages de liberté. la catastrophe est pétrie. pour ce qu’il leur reste de mise, mieux vaut la doubler in extremis lors du dépôt de bilan. on s’y prépare. l’image du monde serait-elle à ce point devenue inexistante?
