que faire des choses ?

Il a tout préparé, sur le papier ça tient, tout s’y déroule comme prévu, parfaitement, c’est apaisant. Le temps qui s’y écoule est luxueux, sans gain ni perte, sans importance. Sur le papier ça tient des jours, c’est une conquête.

Dans le sommeil, il glisse lentement, s’y fond comme une vipère, façon d’ordonner le ciel, les yeux se ferment, entrent dans la nuit profonde, les jours s’effacent, les rêves n’existent pas encore.

Si par accident il se réveille un monstre l’abat, le lâche à la journée qui vient comme un chien enragé. Les ombres des arbres sur la route calibrent ses humeurs.

Sud Nord Ouest Est Haut Bas, et dernier axe, le coeur, au-dedans au-dehors.
Le calendrier de l’univers rassemble les liens entre toutes choses. L’avenir se calcule entre ancêtres dieux et maîtres. Les choses dispersées se rassemblent par les nombres qui tombent de l’infini. Pour chaque chose un temps est distribué, ce temps absurde et miracle, éphémère.

Le Jardin des délices, 1500, Hieronymus Bosch

exercices d’immobilité / 1

Les exercices d’immobilité sont une succession d’arrêts sur image où les yeux au ciel battent une durée précieuse qui s’allonge sans fin, et qu’il est urgent de faire comme si on s’y arrête. Les micro-arrêts servent de point zéro, de retour à la vie minuscule ni vue ni connue où parfois une tête énorme observe.
Le corps fondu dans une suite de mouvements plus amples, une fois à l’arrêt, éprouve pour la première fois le repos. Le corps n’est pas enseveli dans le sommeil, il se disperse, se décompose. Les poissons devant lui forment son banc de médiums.
Se lever de ce banc est aussi le but car il faut, pour continuer, pour que le but puisse être atteint, qu’avancent les forces contraires, puisqu’aucune force n’est stable, le but ainsi brouillé par plus brouillé que soi peut être atteint. Sortir et entrer dans la lenteur du monde du dehors, passer plus léger, le voir passer plus vite, rentrer joyeux. Garder un peu d’air avant l’expiration et un peu d’air avant l’inspiration. Enchaîner sa carcasse par une succession de mouvements, sortir de sa carcasse et la voir grandir, larguée. Trébucher sur des rythmes qui développent des suites d’un seul et même mouvement. La vitesse de l’exercice n’est jamais donnée, ni lente ni rapide, il n’y a pas de progression, les mutations président, selon ce que décident les parties extensives du corps.

répétition

Le début, rétrospectivement, se voit confirmé, là à son point de départ. Ce qui arrive, dont rien ne laisse présager le déroulement, avance, au bord, un pied dans la nuit l’autre dans le jour, pour une durée inconnue. Nous voyons la tête nous ne voyons pas le corps, puis l’inverse, c’est l’histoire. Cette réalisation tient de correspondre avec sa forme initiale, toujours fragmentaire, aux innombrables creux et qui par sa construction aléatoire, précaire, est tout ce qui arrive, détaché de tout.

la moitié de quoi ?

À voir combien les constitutions sont supérieures à ceux qui les représentent les condamne à être sans avenir.

 » Nous ne pouvons pas revenir à la normale car la normale que nous avions était précisément le problème « 

fuga vacui

Sur la cheminée une guirlande de photos familiales, séquences heureuses aux couleurs jaunies ou en noirs et blancs délavés. Par la fenêtre le soleil entre la mélancolie s’élève, dilatant le corps immobile chuté du dehors intra-utérin, face à la porte ouverte erre le brouillard, les dieux ubiquitaires culbutent dans le miroir.
Le miroir perd un peu ses bords alors que son centre ouvre en profondeur de champ. La distance qui sépare de l’image est floue, abîme de lignes de fuite glacées noyant toute projection.
Yeux dans les yeux du miroir, le reste du visage est une suite de traits, de perspectives dissemblables, d’expressions énigmatiques qui troublent la banalité d’ensemble. En sortir incrédule, préférence au visage des autres qui gardent encore leur vraisemblance.

@Philip Cheung – New-York-Times

procrastination

Il tombe sur toutes sortes de questions, les siennes qui ne sont pas vraiment les siennes, celles aussi que posent des interlocuteurs nombreux toujours invisibles. Probablement à la longue sont siennes celles avec lesquelles il persiste à s’entretenir, celles qui l’arrangent, qui livrent des réponses partielles, indéfinies, dont les masques changent. En même temps sont siennes celles dont il ne parvient pas à se débarrasser. Insoluble partage.
Par défiance et nécessité il apprend à laisser tomber les réponses qui lui sont demandées, à dériver de questions en questions par leurs penchants à se perdre dans d’autres, appendices à coloniser les marges, à confier la parole à des ancêtres muets plantés ici-même coté friches des maisons bancales balayées de vent. Il n’apprend rien.
Toutes sortes de questions déshéritées au nez de tous qui n’intéressent personne, d’approfondissement de l’ignorance, à ne connaître qu’en gros, en morceaux, par douloureuse avancée, alors que l’horizon a changé.
Devant l’obstacle, à la vitesse de la lumière il est passé à autre chose, sans compter le temps. Passé présent futur en vrac défont toute stratégie, le temps si grand que rien ne s’en soustrait ou s’y ajoute. Tellement de temps perdu qu’en perdre encore est sans effet ; même au procès la salle est vide, l’instruction reportée, les procureurs tour à tour révoqués, aucun recours n’est plus possible.