« Qu’on voie la force de persuasion de l’air après l’orage ! Si je ne résiste pas, mes mérites m’apparaissent et me subjuguent.
J’avance à grand pas et ma cadence est celle de ce coin de la rue, de cette rue, de ce quartier. Je suis à juste titre responsable pour tous les coups donnés aux portes, sur les assiettes des tables, pour tous les toasts, pour les couples d’amoureux dans leur lit, sur les échafaudages des nouveaux bâtiments, serrés aux murs des maisons dans les ruelles sombres, ou sur les canapés Ottoman des bordels.
J’évalue mon passé en le comparant à mon avenir, trouve cependant les deux excellents, ne peux cependant préférer aucun des deux, et je dois seulement réprouver le caractère injuste de la Providence qui me favorise ainsi.
C’est seulement lorsque j’entre dans ma chambre que je suis un peu pensif, mais sans avoir trouvé quelque chose qui mérite qu’on y réfléchisse en montant les escaliers. J’ouvre grand la fenêtre, dans un jardin on joue encore de la musique – mais cela m’aide peu. »
Publié dans la revue Hypérion, n° de janvier-février 1908, Franz Kafka, Traduction : Laurent Margantin