tour de brume

Brouillard épais encore à 2000 mètres sur le plateau, pas vraiment froid encore, la brume chuchotait sa pluie invisible, trempé jusqu’à la peau, les gens d’ici disent autrement, que la brume pisse, les yeux qu’ouvrent l’aveugle sont doux —–Profondeur et bords sont lumière de loin en loin, la vision est double, l’ouverture d’un dôme étourdit. En redescendant les feuilles tombent, sonores comme à la montée. Le moteur allumé, à l’arrêt, le chauffage à fond, la cigarette grillée, une fatigue si violente, si pure, qu’on s’abandonne dans le sommeil. La route de nuit s’enneige.

colle fraîche

« En tant que copiste, Bartleby appartient à une constellation littéraire dont l’étoile polaire est Akaki Akakiévitch (là, dans ces recopiages, le monde était pour lui, en quelque sorte, enfermé tout entier… certaines lettres étaient ses favorites, et, quand il y arrivait, il perdait tout à fait la tête (*)» en son centre se trouvent les deux astres jumeaux Bouvard et Pécuchet (« bonne idée nourrie en secret par chacun d’eux… : copier »), et, à l’autre extrémité, brillent les lumières blanches de Simon Tanner (je suis copiste» qui est la seule identité qu’il revendique) et du prince Mychkine, qui peut reproduire sans effort n’importe quelle calligraphie. Un peu plus loin, telle une brève cohorte d’astéroïdes, les greffiers anonymes kafkaïens. » Giorgio Agamben, Bartleby ou la création, p. 11 (Belval, Circé, 1995).                              (*) Le manteau, Nicolas Gogol