Personne ne peut désirer ce qui, en fin de compte, lui porte préjudice. S’il semble que ce soit le cas – et cela semble presque toujours ainsi – pour l’homme pris isolément, cela s’explique par le fait que quelqu’un, dans cet homme, exige une chose qui sans doute est utile à ce quelqu’un, mais porte un grave préjudice à un deuxième quelqu’un, auquel on a recours pour juger le cas. Si l’homme n’avait pas attendu le jugement et s’était rangé d’emblée aux cotés du deuxième quelqu’un, le premier quelqu’un aurait cessé d’exister et avec lui l’exigence. Kafka, oeuvres complètes III, Pléiade Gal. p 464
Il y a deux adversaires : le premier le presse par-derrière depuis l’origine. Le deuxième l’empêche d’avancer. Il se bat avec les deux. À vrai dire le premier le soutient dans son combat avec le deuxième, car il veut le pousser en avant, et de même le deuxième le soutient contre le premier car il le refoule. Mais ce n’est ainsi qu’en théorie. Car il n’y a pas seulement que les deux adversaires, il y a encore lui-même, et qui connaît ses intentions en vérité ? Quoiqu’il en soit son rêve est de profiter d’un instant sans surveillance – il est vrai qu’il faut pour cela une nuit plus sombre qu’aucune ne fut jamais – pour se détacher du front, et en raison de son expérience de combattant, être érigé en arbitre dans le combat de ses adversaires entre eux. Franz Kafka, Aphorismes, éd. Joseph K., 1994, p. 79. Trad. Guy Fillion