Dans l’épaisseur touffue et menaçante de la forêt tropicale, les Indiens guaranis qu’étudièrent Pierre et Hélène Clastres étaient des chasseurs-cueilleurs, des êtres exclusivement des deux objets – l’arc et le panier. Au moment précédant la naissance d’un enfant, le père devait « s’abstenir de faire des choses multiples » et se concentrer sur une seule chose – la proche venue du nouvel être, problématique parce que susceptible, en tant qu’expérience supplémentaire et pas nécessairement souhaitée, d’inquiéter ou de mettre en colère les différentes puissances de la forêt, en déséquilibrant l’ordre des choses. Pour ce faire, le père devait aller droit dans la forêt, sur un seul chemin, en fermant les bifurcations (symboliquement, par une plume fichée en terre) et en jetant des ponts sur les rivières – le but étant de préparer à la parole de l’enfant à naître à son chemin, son unique chemin dans le monde. (J.C Bailly, La phrase urbaine, p 238, Seuil)
dans CHEMINS, EN LISANT, J.C Bailly