« Une des caractéristiques de l’art de Vermeer, comme peut-être de tout art, parvenu à un certain degré de noblesse, est de peindre des choses, et non des événements. Le monde que perçoit Vermeer n’est pas celui, muet à jamais, des événements insignifiants, mais celui de la matière, éternellement riche et vivante. L’anecdotique, pourrait-on dire, y a chassé l’anecdotique : le hasard d’un moment de la journée, dans une pièce où rien d’important ne se passe, apparaît comme l’essentiel d’un réel dont les événements apparemment notables constituent au contraire la part accessoire. De ce réel saisi par Vermeer le moi est absent, car le moi n’est qu’un événement parmi d’autres, comme eux muet et comme eux insignifiant. Il n’y a d’ailleurs pas d’autoportrait de Vermeer, et la biographie du peintre tient en dix lignes anodines. Cependant Vermeer semble bien s’être peint une fois, par un jeu de double miroir : dans cette toile sans nom précis, aujourd’hui appelée L’Atelier. Mais le dos, comme un peintre quelconque, qui pourrait être n’importe quelle autre personne occupée à sa toile. Rien, dans le costume, la taille, l’attitude du peintre, qui puisse être regardé comme signe distinctif, rien donc qui fasse état d’une complaisance quelconque du peintre à l’égard de sa propre personne. Dans le même temps cet « atelier », comme toutes les toiles de Vermeer, semble riche d’un bonheur d’exister qui irradie de toutes parts et saisit d’emblée le spectateur, et qui témoigne d’une jubilation perpétuelle au spectacle des choses : d’en juger par cet instant de bonheur, on se persuade aisément que celui qui a fait cela, s’il n’a fixé dans sa toile qu’un seul moment de sa joie, en eût fait volontiers autant de l’instant d’avant comme l’instant d’après. Seul le temps lui a manqué pour célébrer tous les instants et toutes les choses » . Cl. Rosset, Le réel et son double.
Lumière, – fenêtre à vitrail, miroirs, tapis, tentures, coussins, chaises à têtes de lions, tables. Lumière, – dallages, cartes géographiques, globes terrestres et célestes, lustres, tableaux. Lumière, – coffrets, bijoux, perles, lettres, encriers, pièces d’or, corbeilles de fruits, aiguières » verres et carafes, instruments de musique, balances. Lumière, – tissus, chapeaux, voiles, turbans, rubans de soie dans les cheveux, pelissons d’hermine et velours brodés, robes de satin : Lumière, – visages de profil, visages inclinés, visages détournés, faces offertes, inexpressives, nues.
Lumière, nudité, reflets dans les miroirs, sur les vitres, les verres, les perles et les fronts, les ongles et les lèvres, la peau des fruits, la peau des cœurs. Lumière…
Vermeer ne raconte rien, ni narration ni fable ni histoire. Il montre, réfléchit ; il présente. Son œuvre est une mise en miroir, sa peinture une vision. Et il ressasse sa vision, il fredonne son chant du visible d’une voix claire et obsédante.
Sylvie Germain, Patience et songe de lumière. Vermeer
Lumière, – fenêtre à vitrail, miroirs, tapis, tentures, coussins, chaises à têtes de lions, tables. Lumière, – dallages, cartes géographiques, globes terrestres et célestes, lustres, tableaux. Lumière, – coffrets, bijoux, perles, lettres, encriers, pièces d’or, corbeilles de fruits, aiguières » verres et carafes, instruments de musique, balances. Lumière, – tissus, chapeaux, voiles, turbans, rubans de soie dans les cheveux, pelissons d’hermine et velours brodés, robes de satin : Lumière, – visages de profil, visages inclinés, visages détournés, faces offertes, inexpressives, nues.
Lumière, nudité, reflets dans les miroirs, sur les vitres, les verres, les perles et les fronts, les ongles et les lèvres, la peau des fruits, la peau des cœurs. Lumière…
Vermeer ne raconte rien, ni narration ni fable ni histoire. Il montre, réfléchit ; il présente. Son œuvre est une mise en miroir, sa peinture une vision. Et il ressasse sa vision, il fredonne son chant du visible d’une voix claire et obsédante.
Sylvie Germain, Patience et songe de lumière. Vermeer
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Ha … Sylvie Germain … merci fayçal !
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