福島第 L’île du bonheur – arrêt à froid

Un jour c’est banal, l’actualité des journaux n’est qu’une suite de titres ; son caractère d’affût, ses signes mêlés tirés du jour d’hier, tu sais encore, et plus ou moins vers quoi, l’actualité d’avant-hier tu commences à oublier, après tu n’es plus sûr, tu vas chercher dans les tiroirs, il y a des suites logiques, historiques, les idées séculaires que l’homme s’est fait de lui, à double fond, s’informant des frontières, du regard du douanier, des richesses de toutes sortes, de ses droits, tu reviens au journal, gratuit, à l’actualité comme épisode, aux faits divers qui arrivent, qui la dévorent, début et fin d’épisode.
Les escaliers sont arpentés la nuit à l’envers, moins fréquentés et avec plus de lenteur, les étages les plus hauts, jamais atteints, tanguent.
La meule usée tourne de travers, les couteaux ont rouillé. L’accident perturbe la superbe, on se couvrait des toiles d’araignées en clin d’œil au linceul, nos embuscades étaient joyeuses, des plus inflammables.
A cette fatigue venue on retient, des étagères du supermarché bourrées à craquer, l’almanach de Fukushima : glas du reality show « L’île du bonheur » où les participants dévêtus allaient passer leur confirmation. Virés, non par tirage au sort, mais d’une balle perdue dans la chasse, à cause d’un pied tordu dans un trou plein de feuilles.
Ne sachant comment, lassés, bien sûr, roulés sans l’avoir cru toujours aux fins promises, le sel des renaissances prodigieuses adorées aurait passé son temps; les burakumin, autrefois gens des métiers liés au sang, aux cadavres recyclés, aux peaux, à la peau, parias, honnis des shintoïstes & bouddhistes, rappelés des cales aux kamikazes, par défaut, liquidateurs bradés des machines à chauffer l’eau du bébé qu’il s’agit désormais de refroidir sans lâcher le bébé crachant, expulsant. Les fées liftées du réveillon restent endormies, les thermomètres se figent comme l’ombre fendue qui persiste, éclair gelé après la déflagration, mille fantômes réanimés en vain. Les bassins de stockage fêlés comme des biberons s’emplissent, nos sarcophages chavirent dans une pluie d’acide borique, débordent sur le pacifique.
Damoclès ne retranche pas le sentiment de puissance, de la mort annoncée. La supercherie n’ira pas jusqu’à cette effigie, l’épée reste aimantée à un morceau de ciel, entre cygne noir et corbeau blanc. Damoclès succombe et succède à Némésis, déesse mineure, déesse de la vengeance, dans un squat d’Athènes.
Tchernobyl forever   (Réalisé en 2010, et diffusé sur Arte peu après la catastrophe de Fukushima).
« Into Eternity » (en 6 parties) – film réalisé par Michael Madsen. « Onkalo » signifie la cachette en finnois; 500 mètres sous terre, merde radioactive mortelle pour 6 000 générations.
Akira Kurosawa, Dreams