pelisse littéraire

Note extraite du journal d’Anna Akmatova : « On vint l’arrêter le 13 mai 1934. Ce jour-là après une grêle de télégrammes et d’appels téléphoniques, j’étais venue chez les Mandelstam de Leningrad. Le mandat d’arrêt était signé par Yagoda lui-même. La perquisition dura toute la nuit. On cherchait des poèmes, on marchait sur les manuscrits jetés hors de la malle. Nous étions tous assis dans la même pièce. Le plus grand calme y régnait. Derrière la cloison, chez Kirsanov, jouait une guitare hawaïenne. Je vis le juge d’instruction trouver le « Loup » et le montrer à Ossip. Celui-ci acquiesça en silence. Au moment de partir, il m’embrassa. On l’a emmené à sept heures du matin : il faisait déjà tout à fait clair dehors… »

Ossip Mandelstam en 1934. Photographie du NKVD.
Ossip Mandelstam en 1934. Photographie du NKVD.

Je m’extirpe de ma pelisse littéraire et la piétine. Avec ma seule veste par un froid de moins de trente degrés je ferai trois fois le tour des boulevards circulaires de Moscou. Je me sauverai de cet hôpital jaune qu’abrite le passage Komsomol pour aller à la rencontre de la pleurite, d’un refroidissement mortel, pourvu que je n’aperçoive plus, boulevard Tverskoï, les douze fenêtres éclairées de l’obscène maison où vivent les Judas, pourvu que je n’entende plus sonner les deniers d’argent, ni le comptage des feuilles imprimées.   Ossip Mandelstam, La Quatrième Prose