« L’ambivalence est au coeur de ma mythologie personnelle, dans ce petit écart qu’il y a entre la bibliothèque et le réel, mon enfance dans la Creuse et la découverte des grands auteurs. J’adore la littérature et je ne cesse de la détester comme un paysan sa terre. J’ai longtemps travaillé à devenir un écrivain, cette étoile au firmament, et depuis que je le suis, je trouve cette activité burlesque. J’admire Balzac et je ne peux m’empêcher de le considérer comme un balourd vaniteux, je vénère Faulkner et je ne peux oublier qu’en vérité c’est un pochetron honteux qui se cachait sous des façons collet monté. S’il existe une force dans mes textes, c’est qu’ils sont tout à la fois un objet d’adoration idolâtre et de moquerie. Chaque énoncé inclut son contre-énoncé, chaque période stylistique classique est cassée par un accès brusquerie, de dérision ou d’argot. »
(Pierre Michon, Le Roi vient quand il veut : propos sur la littérature, éd. Agnès Castiglione, Paris, A. Michel, p. 197)