S’il n’y a jamais eu ni concept, ni théorie, ni même forme délimitée ou fixée du fragment, c’est qu’il ne saurait en être autrement, non à cause de déterminismes historiques ou «extérieurs», mais à cause de la nature même du fragment. Ni théorie, ni concept, ni forme du fragment n’aident à penser l’exigence fragmentaire. C’est même, très exactement, cette méconnaissance, et seulement cette méconnaissance, qui peut aider à lire l’exigence fragmentaire. Cette méconnaissance n’est pas qu’une erreur elle est le mode même de la pensée qu’exige le fragmentaire: une pensée qui pressent mais qui laisse échapper, une pensée qui entrevoit mais sans peut-être les avoir jamais.
Ginette Michaud, Le fragment dans les textes de Roland Barthes, Théorie et pratique de la lecture, p. 54 (thèse de doctorat, Montréal, 1983)
dans EN LISANT, G. Michaud