M. Leprieur, de son état pharmacien de Marine rattaché à l’hôpital de Fort-de-France, fut, en août 1851, chargé de conduire « la commission d’étude des manifestations du volcan ». Son rapport optimiste, balnéaire et charmant, conclue : 

 donc en résumé le volcan de la Montagne Pelée ne paraît devoir être qu’une curiosité de plus ajoutée à l’histoire naturelle de notre Martinique… Par temps calme, des navires qui arrivent de France et qui voient onduler au loin ce long panache de fumée blanche qui s’élève vers le ciel, doivent trouver que c’est une décoration pittoresque ajoutée au pays et le complément qui manquait à la majesté de notre vieille Montagne Pelée (Frédéric Denhez, Apocalypse à Saint-Pierre – La tragédie de la montagne Pelée, Larousse, 2007).

L’éruption de la Montagne Pelée en 1902, fît, en moins de 2 minutes, 29 000 victimes. Deux hommes survécurent dans la zone de nuée ardente, Léon Compère dit Léandre, qui disparaîtra par la suite de la vie publique, et Louis Auguste Cyparis, prisonnier dans une cellule ventilée par une mince ouverture du coté opposé au volcan. Herzog en fait ainsi le récit ;

Le miracle de sa survie c’est qu’il a survécu… parce qu’il était le plus mauvais gars de la ville. Il y avait entre 60 et 70 prisonniers à ses côtés, mais il était le seul à si mal se comporter, se battant continuellement avec les gardiens. En guise de châtiment, il fut mis à l’isolement dans des sous-sols dépourvus de fenêtres. Quand la déflagration de l’éruption eut lieu, il se jeta au sol et s’en tira avec de graves brulures. «Pardonné» à la suite de cet événement, il fut envoyé dans un cirque dont il devint l’attraction principale, et s’éteint dans le plus grand dénuement et l’anonymat à Panama en 1929, année même où la montagne Pelée connait à nouveau une violente éruption.

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LA SOUFRIERE (1977) – WERNER HERZOG  (film: ici )

« la Terre a commencé à trembler un peu partout. Dans le nord de l’Italie et aux Philippines. Mais aussi en Chine et en Amérique centrale (…) On avait oublié d’éteindre les feux de circulation.Les cabines téléphoniques publiques fonctionnaient également (…) et dans de nombreuses maisons les réfrigérateurs et les climatiseurs étaient encore allumés (…) Dans une maison, nous sommes même tombés sur un téléviseur encore allumé (…) C’était pour nous une consolation de ne pas avoir « la Loi » aux alentours. Les animaux avaient pris possession des rues. Nous avons croisé des ânes, des porcs, des poules, et surtout des chiens. Ils n’avaient pas mangé depuis des jours, et il n’y avait plus de poubelles où chercher de la nourriture. Ils cessaient même d’en chercher (…) La mer était pleine d’iguanes morts. Dans la soirée, ils étaient descendus par centaines de la montagne pour atteindre la mer où ils se sont noyés. Le silence et l’état de désolation de la ville étaient si intenses, que nous commencions à être fascinés et désireux d’aller jeter un oeil sur la source de ce silence: le cratère du volcan lui-même (…) En 1902 la population avait voulu s’éloigner mais comme les élections avaient déjà été repoussées pour d’autres raisons, le gouverneur de la colonie avait convaincu les gens de rester. Seules quelques centaines avaient quitté la ville. Tous les autres y restèrent. Certains s’étaient rassemblés sur la plage, croyant pouvoir encore s’enfuir (…)

Le silence grandissait… et le volcan de la Soufrière s’enveloppa dans les nuages (…) Et comme personne ne pouvait rien voir, la peur devint anonyme. Ce jour-là, nous avons trouvé l’homme qui avait refusé de quitter la région, ainsi que deux autres (…) Nous avons d’abord dû le réveiller (…) « Comme la vie, la mort aussi est éternelle. Je n’ai peur de rien ». Pourquoi refusez-vous d’évacuer? « Où pourrais-je aller ? Nulle part » (…) Pourquoi partir ? Pour retourner après ? Jamais. Et où est-ce que j’irais? – Parlez-moi un peu de votre vie: « Eh bien, j’ai fait la paix avec moi, et ce qui est en moi. Je ne possède rien, absolument rien. J’attends ma mort. Pas plus que cela. J’attends aussi un cyclone, qui a été annoncé… je suis ici, toujours à m’occuper des animaux. Ils ont quitté leur bétail ici et j’en prends soin. Je les sauve. Et si la situation empire, et que les choses se dégradent vraiment je crois que je les tuerai. J’ai envie de partir et revoir mes enfants. Ils sont à Pointe-à-Pitre, j’aimerais les revoir (…) Il y a un jour où il faut mourir. Alors, je suis là. Moi je suis là moi, chez moi, dans ma maison à moi! Je m’occupe de moi! Je pourrais aussi partir. Tous ont déjà fui. Je n’ai peur de rien, mais alors de rien ! Vous pouvez m’emmener à Pointe à Pitre avec vous si vous voulez… Mais je peux aussi bien marcher jusqu’à la Soufrière. Vous voyez, je peux sortir de chez moi, de toute façon…Mais si vous m’emmenez avec vous à Pointe-à-Pitre, je vous suivrai. (…) Maintenant, ce sera un documentaire sur une catastrophe inévitable… qui ne s’est jamais produite.

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Document INA – Eruption de la montagne Pelée – 8 mai 1902

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