poisson de quel nom ?

Un pêcheur du dimanche est quelqu’un, précisément un pêcheur du dimanche, plus précisément il reste là, assis sur le rocher, aucun poisson, rien que le courant, les reflets lents, des remous fluides, des algues, façon de voyager. Il remarque sur le chemin du retour que tout se passe sur le chemin du retour, celui qui longe la rivière, parfois il arrive à la maison d’un coup, il se consacre à son épouse, à ses enfants, guettant les éclaircies, attendant. Zappage des chaînes qui émettent images et paroles semblables et désynchronisées, en continu, l’éternité de toc ronronne à son affaire, parfois oui des voix des lèvres des visages qu’on soupçonne n’être à personne, reflets nerveux en couleurs. Il fixe le bocal, l’idée revient et l’encombre de n’avoir pas de nom à donner au poisson. La bouche est close, la brume nocturne vient, assombrit le rouge laiteux des écailles, il faudrait mettre la lumière, il songe qu’il n’a jamais croisé les yeux d’un passeur.

L’essaim, la volée d’oiseaux bourdonnante effleure les arbres dénudés, évitent comme un seul, un poteau, en voie vers l’Afrique. Cette faculté prodigieuse qu’ont les bancs de poisson aussi, tous comme un seul, qui rendent la feuille morte et la pierre proches douées de ce « tout en un » dont nous sommes séparés, mutilés,  hypothéqués par un quelconque avenir où jamais nous ne sommes. Dans la pénombre de la pièce, une mouche d’hiver un instant entendue, pas vue. Le vent souffle à la façade, des coups ? le lampadaire rouillé branle au-dessus, sous le toit avancé, et puis les fenêtres sont vieilles, trop hautes et disjointes.

Ici un léger souffle froid ou son impression, et l’illusion des reflets d’entrevoir bouger une mèche, ses cheveux de l’autre bout du bocal; l’œil du poisson l’accroche, le méduse, pas d’étonnement à traverser un souvenir d’enfance quand sur Skype son père l’amuse à montrer derrière l’aquarium son œil doublé en volume alors qu’on l’entend hennir. L’œil du poisson, les reflets d’eau, une inquiétude, à cause du vent sans doute.

Le poisson rouge n’en finit pas de tourner, frôler la paroi de verre, sans jamais la rayer. Sait t-il encore que les premiers tours furent de s’échapper ? chaque tour ne compte plus, la queue le dos la tête sont à l’évasion, il en mourrait sinon. Justement déjà, quoiqu’étonnement vieux, il sent son poids alourdi de celui de l’eau, se dilue à la pesanteur de la mort, sa propre mort je veux dire car l’entour a fuit, au rebord de la fenêtre, un cimetière au ciel immobile jour et nuit. Il blanchit, s’amollit, chavire, c’est triste oui s’il n’était secoué de prémices anciennes à se faire la belle. On a vidé le bocal depuis, la nostalgie zone comme jamais secouée au vent de Kunming où les cages des oiseaux donnaient des couleurs et du piquant au ma-jong. Se faire la voile sur une île, marcher le long des côtes, aux pas perdus.

La Japonaise aux yeux de poisson-chat et son bout de bouche suceuse le confirme, d’avoir été conçue au milieu des bains d’air, destinée à porter des lunettes, lèvres plus tendres, douée de paroles, moins nue que le poisson fraîchement sorti de l’eau, frétillant éjecté, qui tombe, une flaque ronde, le bocal une lourde goutte, une masse d’eau gravide et décentrée d’être vide. Au bord de table, ou dans la gueule du renard, la tête-tronc, un nez dépourvu de toute prétention. Le poisson a abdiqué, dans la béance asphyxiante des nuages, le débat est reporté. Elle, moins lisse qu’une feuille, mais plus fragile et souple au ciel, exposée, sans bord, qui avait l’âge de ma mère lorsque je tétais et que l’espace devenait ventre, monde vacant.

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