j’avais oublié l’essence, depuis le temps qu’on me l’a dit je me le suis dit aussi — comme finalement il se faisait tard, j’allais abandonner l’engin comme les autres.
__________________________________________
« Tout se déroulait et s’écoulait au même rythme. Une brume légère, une espérance enveloppaient tout. La connaissance des hommes allait de soi. En un clin d’œil, chacun savait à peu près tout de l’autre, mais la vie intérieure restait un secret. L’âme se métamorphose sans cesse. […] Je voulais parler à quelqu’un mais n’en trouvai pas le temps; je souhaitais avoir un repère solide, ne le découvris pas. Au beau milieu de l’incessante progression, j’avais envie de me tenir immobile. Le foisonnement et la rapidité étaient trop foisonnants et trop rapides. Chacun se dérobait à chacun. C’était comme un flux qui s’en allait comme s’il se dissipait, qui venait machinalement et disparaissait de même. Tout était irréel, moi aussi »
Robert Walser, « La rue », Retour dans la neige, Genève, Zoé, 1999, p. 120.