météo des jours

Il travaille la nuit, il observe l’espace. Sortir le jour l’angoisse, c’est une course au néant, d’activités à perte. Froid, gris, humide, Covid, le chemin est libre.

Il pleut depuis deux jours. Le soleil est apparu en fin d’après-midi. le ciel devient poudreux. Le vent froid, les monts enneigés pas loin dans l’horizon. Dans la trouée le soleil aveugle, les nuages sont bas, leurs bords se dessinent sur le halo, presque à leur hauteur, tu entres par leur côté, par la diagonale.

Jour froid, venteux, il grêle. Aucun promeneur. Parfait. La vie reprend, nostalgie du merveilleux printemps 2020 qui réchauffe le cœur, quand ciel et routes étaient vides, où les chemins plus libres que jamais.

Aujourd’hui vent et froid glacial laissent passer un soleil radieux. Léger le pas presse sur le chemin.

Front anticyclonique annoncé pour la semaine prochaine. Lendemain bis-repetita : jour neigeux, sombre, humide et venteux, personne ne sort, encore un jour parfait. À la frontière ukrainienne, on stocke les poches de sang.

Le beau temps est annoncé. Aujourd’hui comme il l’avait prédit, il n’y a personne sur le chemin. Le relief est aplati. Une lumière grise, déjà prise par le brouillard nocturne qui se presse à ta fenêtre ce soir. Le brouillard givrant déposera au matin en tous sens sur le pare-brise des vagues perlées de sueurs fines et serrées.

Le chemin depuis le Covid est si encombré de promeneurs que les chevaux se déplacent dans un étau. À marche forcée, les chevaux hésitent, interdit de galop, ils deviennent irritables. À une vingtaine mètres ce cheval s’est cabré, en surplomb lorgnant un vélo posé sur sa béquille. Sa cavalière lui parle doucement mais comme on parle à un abruti.

Les forêts n’avaient jamais été aussi désolées et pleines de promeneurs. Les maisons de bois servaient d’autel quand les forêts régnaient. Le temps animal est presque infini.

Un drone dans le brouillard fait un bruit de tronçonneuse, une tronçonneuse fait un bruit de drone, ou ce sont les deux.

Souvenir de chaleur sur une épaule. Purifié, le temps passé est léger, le corps vibre de sa vie silencieuse.

Brenda Erikson

Vague 1 (covidblues)

La COVID emballe le moteur du procrastinateur. Elle occupe le centre, le rend inconsistant, troue le relief, enfonce les frontières, me détourne de mes petites occupations dans mon monde qui n’existe pas, dont les replis se voient privés de creux. Une coulée lisse couvre ce qui faisaient le lit de mon inclination quotidienne. Les failles sont désormais assiégées.
Chacun porte son virus. Il aimerait vivre longtemps en nous, nous aimerions vivre comme nous comme avant, même avant en pire, avec la même inconscience. Chaque jour qui passe le virus répond à côté des questions, les miennes se révèlent inutiles. Insistant les plans anciens tournent au ralenti, à moitié à l’envers. Il est difficile de parler de ce virus, nous ne parlons pas à son propos de la même chose, les soucis ne sont pas les mêmes.

J’ai la tête un peu vide et fermée et m’occupe à semer des choux de Bruxelles, mes voisins ermites sous leur toit de mousse jubilent, leurs yeux brillent de la COVID à laquelle ils ne croient pas. Sautant du coq à l’âne on se perd un peu pour demander ou dire quelque chose, sans voyage on accroit les échanges, à parler confinement, traçage, s’en remettre aux technologies afin de guider vers la délivrance, d’accroitre la dépendance. Revenir au point de départ car le désert s’avance, partir, se retirer dans le voyage confiné, ne plus s’en sortir.

J’en reviens toujours à ce point, et celui-là n’avance pas, c’est, de quelque côté où tu te tournes, ce point d’inertie, d’impossibilité à deviner si quelque chose avançait dans l’horizon d’une méduse, ce qu’on a dans la tête la méduse s’en défend. Ses déplacements sont erratiques, elle a tout son temps.
Ce qui avait eu lieu le matin se rappelle le soir comme si cela avait eu lieu hier.

Par bonne volonté, appelé à empêcher son débarquement je m’étais précipité à la sortie scruter au plus loin jusqu’au dernier passager. Le dernier passager ne se présenta pas.
Les jours du début se sont ressemblé, nous formions une communauté contrainte, entre des jours blancs la nuit passait très vite comme une parenthèse vide traversée de cauchemars dont la virulence s’est éteinte, aspirant à la tranquillité du grand air.

Ici on respire mieux, un grand vide s’est créé dans la pièce pourtant plus petite, des ombres planent comme d’un test de Rorschach sur la tête d’un Janus perplexe. On ferme la fenêtre pour avoir moins de vent levant l’oeil sur l’horloge qui sonne quatre coups creux, le son est mat, l’écart passé-futur réduit à peau de chagrin.