Je serais incapable d’écrire un polar, c’est un souci, non pas de ne pas en écrire, mais cette incapacité qui renvoie à une impossibilité première qui est de raconter une histoire. Une gêne à rapporter; l’autre jour encore le ciel étoilé que S. me détaille, je n’arrive pas à suivre : regarder le ciel m’est incroyable, le vide entre étoiles produit des blancs où elles basculent. Avant de m’endormir quand la fatigue déjà bien avancée et profonde m’a privé de mains et de paroles, les histoires se présentent. Me recouchant à trois heures cette nuit une histoire s’est livrée d’une traite : un homme est allongé, raide, plié sur le trottoir de l’avenue Montaigne. Ses papiers d’identité sont faux, son vrai nom usurpé par un sosie. Une histoire n’intéresse que par son effet de vérité, de vraisemblable, nous sommes à ses leviers les moins difficiles ; en bon dilettante la visite du passé se fait en un éclair, bouger les pierres du mur, croiser l’archer avant que la flèche s’envole, toucher du temps qui y rappelle. Indications, bifurcations. Encore Bergson: « Traiter le temps comme variable indépendante ».
dans MICROFICTIONS, Polar