l’art des hommes déformés

topor

  Remarquez que cette invasion de la science promet à l’art de très beaux jours.

C’est en lui que nous verrons notre unique ami et défenseur. Il finira par être notre seule carte d’identité.

En effet! Imagine: lorsqu’en t’éveillant un matin tu t’apercevras que par certains procédés bio-physiologiques une deuxième tête t’es poussée au derrière pendant la nuit, lorsque effrayé par cette vision, tu perdras l’esprit et tu ne sauras plus laquelle de ces deux têtes est la tête véritable, que pourras-tu faire d’autre que de crier ton horreur, ta révolte, ton refus, ton désespoir… de crier que tu n’es pas d’accord!

Ce cri trouvera son poète… et témoignera que tu es resté celui que tu étais hier.

Quant à moi, j’attends le monde de demain, le monde scientifique, la confirmation de ce que proclame Ferdydurke, sur la distance à l’égard de la forme, sur la non-identification à la forme. L’art de demain se lèvera sous ce signe: l’art des hommes déformés.

Ils vont consciemment se créer une forme (même pas sur le plan physique). Mais ils ne s’identifieront pas à elle.

Witold Gombrowicz, Journal, T II, 1959-1969, p. 179, Folio.